La bibliothèque
Avec la « librairie » de Montaigne à l’horizon de son ambition et de ses rêves, Giono a constitué pendant cinquante ans, entre 1920 et 1970, une bibliothèque remarquable, qui faisait sa fierté et dont le catalogue révèle l’ampleur de sa culture et de son érudition, la diversité de ses intérêts, de ses curiosités et de ses goûts. En son état actuel, cette bibliothèque, toujours conservée dans sa maison de Manosque, compte près de huit mille volumes, dont plus de la moitié relèvent d’autres genres que la fiction romanesque : livres sur l’art, mémoires, correspondances, carnets et journaux intimes, biographies, récits de voyage et d’exploration, histoire, géographie, sciences naturelles, religion, philosophie, sciences politiques, poésie, théâtre, critique littéraire et une centaine de dictionnaires. De nombreuses littératures étrangères sont présentes sur les rayons. Avec quatre cents titres, les auteurs anglais, écossais et irlandais (Joyce, Shaw, Synge, O’Casey) viennent en tête. Suivent les domaines italiens, espagnols, russes, nord et sud-américains. Moins abondante, la section des littératures de langue allemande est dominée par les œuvres de Kafka et de Nietzsche. Giono a construit pendant un demi-siècle une très riche bibliothèque orientaliste qui, tous genres confondus (littérature, art, histoire, études savantes), compte près de trois cents volumes consacrés à la Chine, au Tibet, au Japon et à l’Inde. Le Moyen-Orient est représenté par plusieurs éditions des Mille et Une Nuits et des ouvrages sur l’Arabie, la Perse, Byzance.
L’intérêt porté à une période, un domaine, un sujet, un auteur se manifeste par l’accumulation d’éditions multiples d’une même œuvre, ainsi que d’études historiques et critiques s’y rapportant. Plusieurs séries de Causes célèbres, publiées entre 1757 et 1867, soit une cinquantaine de volumes, soulignent l’attrait qu’exerçaient « les fastes du crime » sur l’écrivain. Ajoutons, à ce fonds historique, plusieurs centaines de romans de la « Série noire », dont Giono devient un lecteur gourmand et assidu à partir de 1946. Ses écrivains de référence font l’objet de la même thésaurisation : Dante, L’Arioste, Machiavel, Shakespeare, Nostradamus, d’Aubigné, Cervantès, Saint-Simon, Restif de la Bretonne, Stendhal, Hugo, Dostoïevski, Tchekhov, Proust, Claudel ou Faulkner. À elles seules, les différentes éditions des œuvres de Stendhal et les études qui leur sont consacrées représentent cent vingt volumes. Pour certains auteurs étrangers, dont Faulkner, les éditions en langue d’origine côtoient les traductions. Le chercheur trouve, comme attendu, sur les rayonnages de la bibliothèque de Giono une ample collection d’œuvres de l’Antiquité gréco-latine. Il peut être surpris par la curiosité et l’érudition qui ont présidé aux nombreuses acquisitions relevant du domaine médiéval. Mais, tous pays et tous genres confondus, le dix-huitième siècle est celui qui cumule le plus grand nombre de titres.
Lecteur boulimique, Giono entretient avec les livres un rapport utilitaire autant que de plaisir. S’il est heureux de posséder quelques éditions rares et très anciennes de Dante, Machiavel, Froissart et d’Urfé, il ne voue pas de culte particulier au « beau livre » et se défend d’être un collectionneur bibliophile. Peu lui importe l’état d’une reliure, seul le texte compte. La maison Gallimard lui procure une grande partie des ouvrages, dont ceux de la Bibliothèque de la Pléiade, collection qui était particulièrement chère à Giono. Les envois d’autres écrivains tiennent aussi une bonne place dans la composition d’une bibliothèque révélatrice du réseau intellectuel et littéraire tissé au fil des décennies. En témoignent les dédicaces de Paulhan, Guéhenno, Gide, Ramuz, Alain, Aragon, Cocteau, Jouhandeau, Mac Orlan, Marcel Aymé, Henry Miller, T. S. Eliot, Chester Himes, mais encore celles, admiratives, de Heidegger, Malaparte, Gary, Yourcenar, Green, Gustave Cohen, Gaston Bouthoul, Daniel Guérin. Des abondants services de presse que lui vaut, à partir de 1955, son statut d’académicien Goncourt, Giono ne conserve que les titres qu’il a appréciés, distribuant le reste autour de lui. La littérature française de son temps n’occupe qu’une place relativement modeste dans sa bibliothèque.
L’intérêt porté à une période, un domaine, un sujet, un auteur se manifeste par l’accumulation d’éditions multiples d’une même œuvre, ainsi que d’études historiques et critiques s’y rapportant. Plusieurs séries de Causes célèbres, publiées entre 1757 et 1867, soit une cinquantaine de volumes, soulignent l’attrait qu’exerçaient « les fastes du crime » sur l’écrivain. Ajoutons, à ce fonds historique, plusieurs centaines de romans de la « Série noire », dont Giono devient un lecteur gourmand et assidu à partir de 1946. Ses écrivains de référence font l’objet de la même thésaurisation : Dante, L’Arioste, Machiavel, Shakespeare, Nostradamus, d’Aubigné, Cervantès, Saint-Simon, Restif de la Bretonne, Stendhal, Hugo, Dostoïevski, Tchekhov, Proust, Claudel ou Faulkner. À elles seules, les différentes éditions des œuvres de Stendhal et les études qui leur sont consacrées représentent cent vingt volumes. Pour certains auteurs étrangers, dont Faulkner, les éditions en langue d’origine côtoient les traductions. Le chercheur trouve, comme attendu, sur les rayonnages de la bibliothèque de Giono une ample collection d’œuvres de l’Antiquité gréco-latine. Il peut être surpris par la curiosité et l’érudition qui ont présidé aux nombreuses acquisitions relevant du domaine médiéval. Mais, tous pays et tous genres confondus, le dix-huitième siècle est celui qui cumule le plus grand nombre de titres.
Lecteur boulimique, Giono entretient avec les livres un rapport utilitaire autant que de plaisir. S’il est heureux de posséder quelques éditions rares et très anciennes de Dante, Machiavel, Froissart et d’Urfé, il ne voue pas de culte particulier au « beau livre » et se défend d’être un collectionneur bibliophile. Peu lui importe l’état d’une reliure, seul le texte compte. La maison Gallimard lui procure une grande partie des ouvrages, dont ceux de la Bibliothèque de la Pléiade, collection qui était particulièrement chère à Giono. Les envois d’autres écrivains tiennent aussi une bonne place dans la composition d’une bibliothèque révélatrice du réseau intellectuel et littéraire tissé au fil des décennies. En témoignent les dédicaces de Paulhan, Guéhenno, Gide, Ramuz, Alain, Aragon, Cocteau, Jouhandeau, Mac Orlan, Marcel Aymé, Henry Miller, T. S. Eliot, Chester Himes, mais encore celles, admiratives, de Heidegger, Malaparte, Gary, Yourcenar, Green, Gustave Cohen, Gaston Bouthoul, Daniel Guérin. Des abondants services de presse que lui vaut, à partir de 1955, son statut d’académicien Goncourt, Giono ne conserve que les titres qu’il a appréciés, distribuant le reste autour de lui. La littérature française de son temps n’occupe qu’une place relativement modeste dans sa bibliothèque.